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en la résurrection. Saint Paul a éprouvé combien les Grecs étaient réfractaires à ce dogme[1]. Josèphe n’a pas essayé de le leur prêcher ; il n’a même pas confessé sur ce point la foi de ses compatriotes telle qu’elle était. Quand il parle, à propos des Pharisiens, du retour de l’âme vers le corps, on croirait bien plutôt qu’il fait allusion à la métempsychose. Il en est de même dans le discours qu’il est censé tenir à ses compagnons de détresse pour les empêcher de se tuer les uns les autres, discours qui fut naturellement écrit en vue de ses vainqueurs : Ceux qui meurent selon la loi de la nature ont une louange éternelle, leur maison et leur race sont stables, leurs âmes ont un lieu très saint dans le ciel, d’où, après le retour des âges, elles viendront occuper de nouveau des corps purs[2].

Cette préoccupation de la gloire, si purement grecque et ensuite romaine, est le seul mobile allégué dans les Antiquités par les deux docteurs de la Loi, Judas et Matthias, pour exciter leurs disciples à braver la mort[3]. Il est vrai que dans la Guerre Josèphe ajoute l’immortalité, mais l’immortalité de l’âme[4]. Éléazar exhorte à mourir les derniers défenseurs de Masada, parce que la mort est la délivrance de l’âme, dans un style tout platonicien, en invoquant par surcroît l’autorité des Hindous[5].

On conviendra qu’à ne suivre que Josèphe on se ferait une idée très fausse du dogme de la résurrection, si vivant et si agissant à cette époque, ou plutôt qu’on ne le soupçonnerait même pas comme distinct de la métempsychose.

Il arrive même à Josèphe de parler des morts d’une façon tout à fait païenne. C’est du moins le langage qu’il prête à Aristobule Ier, bourrelé de remords pour avoir fait périr son frère et sa mère : « Jusques à quand, ô corps sans vergogne, retiendras-tu une âme due aux mânes de mon frère et de ma mère ? pourquoi ne pas la rendre toute à la fois, alors que je répands peu à peu mon sang en libation à mes victimes »[6] ?

Il est vrai que dans d’autres cas, et lorsqu’il s’agit de Dieu[7], son orthodoxie est beaucoup plus correcte.

  1. Act. xvii, 32.
  2. Bell., III, viii, 5.
  3. Ant., XVII, vi
  4. Bell. I, xxxiii, 2: τοῖς γὰρ οὕτω τελευτῶσιν ἀθάνατόν τε τὴν ψυχὴν καὶ τὴν ἐν ἀγαθοῖς αἴσθησιν αἰώνιον παραμένειν. Cf § 3.
  5. Bell., VII, viii, 7
  6. Ant. XIII, xi, 2. Probablement transcrit textuellement de Nicolas de Damas.
  7. Pourtant son expression assez usuelle τὸ θεῖον « le divin » est encore choisie pour rendre l'entente plus facile, car les polythéistes eux-mêmes aimaient à parler du divin.