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écrit (Job, xxxviii, 14) : la terre change comme l’argile peut changer d’empreinte, et ils se présentent comme un vêtement (c’est-à-dire vêtus, selon le sens adopté ici). Antonin demanda à Rabbi : Que signifie ce verset ? Cela veut dire, répondit Rabbi : celui qui change la face des choses et ressuscite les morts reconstitue aussi leurs vêtements[1]. R. Juda recommanda de le couvrir après sa mort par une étoffe verte, qui ne soit ni blanche ni noire ; car, dit-il, si je me trouve placé parmi les justes, je ne rougirai pas, n’ayant pas d’étoffe noire ; et si je me trouve parmi les impies, je ne serai pas non plus remarqué, n’étant pas couvert de blanc. R. Yoschia prescrivit qu’on le revêtît de blanc éclatant. Quoi ! lui dit-on, te crois-tu au-dessus de Rabbi ? Non, répondit-il ; mais je n’ai pas à rougir de mes actions (sans me régler d’après ce qu’il fait). De même R. Jérémie recommanda de le vêtir d’étoffes éclatantes de blanc, de ses habits les plus riches, de mettre des sandales à ses pieds, son bâton à la main, de le coucher de côté, non sur le dos, afin qu’au jour de l’arrivée du Messie il soit tout prêt à le suivre.

R. Jérémie, qui vivait au ive siècle, est donc bien postérieur au temps des tannaïtes. C’eût été dommage cependant d’arrêter la citation avant de l’avoir entendu. Il est logique. Si l’on doit revenir pour assister au temps du Messie, il est indiqué de mettre ses plus beaux habits et de ne pas oublier sa canne, ni même son chapeau.

Il y a quelque chose de touchant dans cette foi inébranlable, mais combien cette façon d’entendre la résurrection diffère de celle de saint Paul ! On ne comprend pas qu’un homme comme R. Iehouda le Saint soit tombé dans cette niaiserie de se faire habiller de vert dans son tombeau, lui qui enseignait que les ressuscités seraient semblables aux étoiles.

Peut-être le seul moyen d’éviter une contradiction flagrante est-il de lui attribuer l’opinion de l’apocalypse de Baruch. Les morts devaient tous ressusciter tels qu’ils étaient, afin de se reconnaître les uns les autres. C’est seulement après, que les bons étaient transformés dans la lumière. De sorte que ceux qui attendaient une résurrection si matérielle ne la plaçaient pas pour cela nécessairement avant le temps du Messie.

Peut-être était-ce en vue de cette confrontation des bons et des méchants que R. Méïr tenait à ce que la résurrection fût publique. Il le prouvait à un Samaritain par la comparaison de l’enfant, conçu dans le secret, et produit publiquement à la lumière ; combien plus Dieu rendra-t-il au grand jour ceux qu’on a ainsi confiés à la terre[2] !

Il est probable que chacun ressuscitait à l’âge qu’il avait. On peut

  1. L’opinion de Rabbi était donc que Dieu ressusciterait aussi les vêtements ; on lit peu auparavant : « car, disait Rabbi, lorsque l’homme ressuscitera, il n’aura plus les vêtements qu’il avait en étant enterré ; tandis que, selon d’autres rabbins, il garde au moment de la résurrection les effets qu’il avait sur lui dans sa sépulture ».
  2. Bacher, Tann. II, p. 67 s.