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de Jésus posèrent nettement devant leur conscience le problème messianique.

I. — LE GENRE LITTÉRAIRE DE JOSÈPHE.

Malheureusement nous ne connaissons l’histoire juive, de Jean Hyrcan à la ruine de Jérusalem, que par Josèphe[1]. Ce n’est pas que l’historien soit sans valeur. Né d’une famille sacerdotale et même apparenté par une de ses grand’mères aux Asmonéens[2], et d’autre part Pharisien par conviction et par choix, il semble avoir bien compris le devoir d’un historien, et avoir pratiqué une assez loyale impartialité. Il a été témoin oculaire et même acteur dans la dernière crise : sur le règne d’Hérode et les temps précédents il avait deux sources de premier ordre : Nicolas de Damas et Strabon[3]. Il sait admirablement faire revivre les grands acteurs, et décrit le drame d’une façon souvent pittoresque et même poignante. L’histoire politique paraît bien s’être passée telle qu’il la raconte.

Mais il est beaucoup moins sûr comme témoin des idées religieuses de son peuple et de ses aspirations. Ce n’est pas seulement parce que, étant Pharisien, il donne le nom de Loi à des coutumes traditionnelles. Ce défaut d’acribie est très secondaire et facile à corriger. Son erreur fondamentale, — c’était déjà sans doute, et plus encore, celle de Nicolas de Damas, — c’est une préoccupation excessive d’être compris et admiré de ses lecteurs Grecs et Romains. Or, il s’attend à n’être compris que s’il présente la foi et les institutions de son peuple sous un aspect philosophique qui permette aux gentils de se faire une idée des mœurs juives en les comparant aux leurs. Il les revêt donc d’une couleur particulière, et il va même jusqu’à les déformer. On sait qu’il a comparé les Sadducéens, les Pharisiens et les Esséniens à des sectes philosophiques à la grecque. Le plus fort c’est que les sicaires eux-mêmes constituent d’après lui un quatrième genre de philosophie[4].

On pourrait lire en entier ses ouvrages, assez considérables, sans soupçonner par exemple l’importance qu’avait pour les Juifs la foi

  1. Surtout les Antiquités judaïques (Ant.) et la Guerre juive (Bell.). On a eu constamment sous les yeux l’édition de Didot et celle de Niese. Niese passe pour avoir reproduit très correctement dans son apparatus les leçons des manuscrits ; son édition est donc un auxiliaire indispensable ; mais il nous semble qu’assez souvent il a été mal inspiré dans le choix des variantes. Dans le cas où cela sera utile nous indiquerons le texte choisi.
  2. Vita, 1.
  3. On peut lire parmi les études récentes : A. Buchler, Les sources de Flavius Josèphe dans ses Antiquités, Revue des études juives, t. XXXII, p. 179 ss., et t. XXXIV, p. 69 ss.
  4. Ant. XVIII, i, 2-6.