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lation a tranché dans le sens de la foi traditionnelle en la justice de Iahvé. Dès ses premières origines, ce monde à venir fut le monde de la rétribution.

A partir du moment où ou en eut une idée nette, il fut impossible de le confondre avec les temps messianiques. On ne pouvait les mêler qu’en sacrifiant le caractère propre de l’un des deux mondes : ou bien le messianisme cesserait d’être terrestre, ou bien le monde à venir ne serait plus qu’un temps de bonheur sur la terre. Le second parti conduisait à un millénarisme éternel, qui était contradictoire dans les termes. On ne pouvait prendre le premier sans renoncer aux prophéties. Ce cas s’est présenté cependant, et c’est dans les paraboles d’Hénoch :

En ce jour, je ferai habiter mon Élu au milieu d’eux, et je transformerai le ciel, et je le ferai bénédiction et lumière pour l’éternité. Et je transformerai l’aride, et je la ferai bénédiction, et j’y ferai habiter mes élus ; mais ceux qui ont commis le péché et le crime ne la fouleront pas[1].

Ce texte n’a pas échappé à M. Schürer qui lui demande de prouver que le judaïsme ancien confondait le monde à venir avec le temps messianique. Mais une théorie aussi particulière ne doit pas être choisie pour représenter le vrai courant du judaïsme. Si le monde à venir est inauguré par l’Élu, c’est que, dans ce livre, l’Élu n’a plus rien du Messie temporel ; c’est le Messie qui s’est transporté dans l’au-delà, quoique l’on puisse dire que l’au-delà a fait la moitié du chemin en s’abaissant des hauteurs mystérieuses où le judaïsme le laissait dans une obscurité voulue, et qui convenait bien pour rendre l’inexprimable, ce qu’il appelait cependant la vie auprès de Dieu.

  1. Hén. éth. xlv, 4-5 (Trad. Martin).