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Le kinnor de ce temps a sept cordes… le kinnor des temps messianiques aura huit cordes… le kinnor du monde à venir aura dix cordes[1]. Le tout prouvé par des textes de psaumes. A propos du texte du Deutéronome : « il le protège en tout temps, et habite entre ses épaules », une première baraïtha explique : « il le protège, — c’est le premier sanctuaire ; en tout temps — c’est le second sanctuaire ; il habite entre ses épaules — c’est le temps du Messie ». Mais Rabbi Iehouda le Saint prolongeait la perspective : « il le protège — c’est ce monde ; en tout temps — c’est le temps du Messie ; il habite entre ses épaules, c’est le monde à venir[2] ».

Même gradation dans une baraïtha anonyme, à propos de Ruth. Après plusieurs explications du passage : « elle s’assit, et se rassasia, et en laissa », le Talmud de Babylone cite une tradition tannaïte qui l’entendait ainsi : « elle mangea — dans ce monde ; elle se rassasia — au temps du Messie ; elle en laissa — au monde qui doit venir »[3].

Dans ce dernier exemple, qui est d’ailleurs anonyme, l’expression employée n’est plus ‘olâm hab-bâ, mais le-‘athid la-bô, « pour ce qui doit venir », expression dont l’opposition avec « ce monde » est beaucoup moins marquée, puisqu’elle indique seulement le « temps » à venir[4]. Aussi est-elle employée pour désigner les temps messianiques, plus souvent peut-être que pour le monde de l’au-delà. Dans les divers recueils de traditions, Talmud et midrachim, ces expressions sont interchangeables[5]. On en vint même à employer ‘olâm hab-bâ pour le temps du Messie. Mais cette confusion dans les termes, assez naturelle à cause du vague de l’expression, ne suppose point une confusion dans les idées, et elle ne s’est produite qu’assez tard. Les maximes dont les auteurs sont connus, — plus d’une cinquantaine, — telles que nous les avons colligées dans Bacher, peuvent toutes s’expliquer du monde de l’au-delà ; le plus grand nombre est très clair dans ce sens. Or il s’agit de tous les grands maîtres d’Israël, dont quelques-uns ont discuté aussi le problème messianique, sans jamais mélanger la perspective temporelle à la perspective des fins ultimes. Si donc quelques baraïthas anonymes ont employé ‘olâm hab-bâ en

  1. Tosefta Arakhin, ii, 28.
  2. b. Zebakhim, 118b : ר״ אומר חופף עליו זה העולם הזה כל היום אלו ימות המשיח ובין כתפיו שכן זה העולם הבא.
  3. Sur Ruth, ii, 14 ; b. Sabbath, 113b.
  4. לעתיד לבא, sous-entendu זמן.
  5. M. Klausner cite b. Berak. 12b}, où il y a לימות המשיח, remplacé par לעתיד לבא dans Mekilta, tr. Piskha, c. 16 (éd. Friedm. 19a) et b. Zebakhim, 118b, comparé à Sifrê Deut. § 352 (éd. Friedm. 145b), dans Die Messianischen Vorstellungen des jüdischen Volkes im Zeitalter der Tannaiten, p. 24 s.