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soi, ce qui suppose toujours, même lorsque le mot « joug » n’est pas exprimé, qu’on s’engage librement à pratiquer la loi de Dieu.

Or on savait qu’il viendrait un temps où Dieu serait reconnu de tous les hommes. Il fallait donc admettre qu’à la suite d’une intervention spéciale de Dieu, ce règne serait tellement agrandi que ce serait pour ainsi dire l’inauguration du règne de Dieu.

Le règne de Dieu, présent en soi, se transportait ainsi dans les perspectives de l’avenir. Ce qui n’était qu’un développement pouvait revêtir l’apparence d’une institution future spéciale.

Ce nouveau concept se trouvait dans l’A. T., en même temps que l’autre, et les rabbins ne pouvaient l’oublier. Aussi en trouve-t-on l’expression dans la onzième demande du Chemoné-esrê[1] : « Règne sur nous, Iahvé, toi seul ! » Où l’on voit que la nouveauté de ce règne sera précisément qu’Israël n’aura pas d’autre roi que son Dieu, et que ce même Dieu sera le roi du monde entier dans les siècles des siècles. R. Josué b. Khanania (vers 100 ap. J.-C.) qui exprime très fortement cette pensée l’entendait certainement des temps messianiques[2].

Ce n’est pas d’ailleurs une raison pour transporter le règne de Dieu dans le monde à venir. M. Dalman, s’il a un peu trop restreint le sens messianique de l’expression, a du moins parfaitement raison de prétendre que le règne de Dieu appartient au monde présent. Il s’agissait seulement de le restaurer et de l’améliorer, comme le demande la prière ‘Alênou, attribuée à Rab, le plus grand maître des Amoras, et par conséquent composée en Babylonie vers 240 ap. J.-C.

En voici le texte ; il montre plus clairement qu’une discussion la fusion du présent et de l’avenir dans l’idée du règne de Dieu.

C’est à nous[3] de glorifier le Seigneur de tout,
de magnifier celui qui a créé au commencement.
Car il ne nous a point faits comme les nations des régions,
et il ne nous a pas assimilés à toutes les tribus de la terre.
Car il n’a point fait notre part comme la leur,
ni notre sort comme [celui de] leur tourbe.
Car ils adorent la vanité et le néant,
et ils prient qui ne peut les aider.

Nous nous prosternons devant le roi des rois des rois [le Saint, béni soit-il][4],

car il a étendu le ciel et fondé la terre.

  1. D’après la recension palestinienne ; voir aux appendices notre texte IV.
  2. Bacher, Die Agada der Tannaiten, I2, p. 138 ss.
  3. Traduit d’après le texte hébreu de Dalman, l. l., p. 307, dans nos appendices, texte V.
  4. Mots interpolés d’après Dalman.