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Et maintenant voyez, grands de la terre, le jugement du Seigneur,
car c’est un grand roi, et juste, qui décide de tout sous le ciel[1].

Le jugement de Dieu sur l’ennemi des Juifs est un fait accompli : le roi du ciel a rendu la justice, comme c’est son office de tous les jours.

Le psalmiste dit ailleurs[2] :

Ceux qui craignent le Seigneur se réjouissent dans la prospérité,
et ta bonté [se répand] sur Israël, sous ton règne.
Bénie soit la gloire du Seigneur, car il est notre roi.

On voit reparaître ici l’ancienne manière : Dieu est le roi d’Israël ; mais elle se concilie fort bien avec la monarchie universelle de Dieu, et, à vrai dire, il ne s’agit que des Israélites qui craignent Dieu. Le sentiment nationaliste est épuré par la foi religieuse. Le texte grec suggère l’idée d’un royaume, mais il est plus probable qu’il faut entendre ici βασιλεία du pouvoir royal[3].

Pour voir un sens eschatologique dans ce passage, il faut l’y mettre, comme l’ont fait certains auteurs[4]. Le dernier verset montre clairement que Dieu était déjà le roi de cet Israël.

Le psaume xvii, sur lequel nous devrons revenir, a une importance capitale, non seulement pour le tableau du règne du Messie, mais aussi pour la coïncidence de son règne avec le règne de Dieu. Tout le psaume étant eschatologique, dans le sens du messianisme historique, on a pensé que cette nuance s’étendait aussi au règne de Dieu. Or, l’auteur a précisément marqué que le règne du Messie n’est qu’un épisode de ce règne général, aussi fortement qu’il pouvait le faire, en l’encadrant dans l’affirmation solennelle du règne éternel de Dieu. Le dernier vers est presque identique au premier :

Le Seigneur, lui-même, est notre roi, pour les siècles et à jamais[5].

De plus, un des caractères du Messie c’est que « le Seigneur est son

  1. ii, 33. 34. 36.
  2. v, 21 : εὐϕράνθησαν οἱ ϕοϐούμενοι Κύριον ἐν ἀγαθοῖς, καὶ ἡ χρηστότης σου ἐπὶ Ἰσραὴλ ἐν τῇ βασιλείᾳ σου. 22. Εὐλογημένη ἡ δόξα Κυρίου ὅτι αὐτὸς βασιλεὺς ἡμῶν.
  3. MM. Ryle et James notent que ἐν τῇ βασιλείᾳ σου a peut-être été employé par le traducteur dans le sens de ἐν τῷ βασιλεῦσαί σε « sous ton règne ». Le royaume comme territoire ne se dit jamais de Dieu dans l’A. T. ni dans le rabbinisme. Gebhardt a montré qu’on ne peut supprimer ἐν.
  4. Par exemple en changeant, contre l’autorité des mss., εὐϕράνθησαν en εὐϕρανθείησαν (Fritzsche), ou en insérant homme, « qu’il vienne », — comme dans la traduction des Apocryphes de Kautzsch — où nous avons mis « se répand », au présent, selon le sens de tout le psaume.
  5. xvii, 51.