Page:Le messianisme chez les Juifs.pdf/167

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

croit déjà inauguré par les victoires asmonéennes. Le renouvellement des luminaires ne doit pas faire illusion ; il ne marque pas une grande catastrophe, mais une amélioration du monde dans le sens d’Isaïe, où il paraît naturel d’associer à la fécondité plus riche du sol un éclat augmenté du soleil et de la lune[1]. Des cieux nouveaux et une terre nouvelle[2] ne doivent point être pris trop à la lettre. C’est ainsi que pour le livre des Jubilés les bénédictions d’Abraham à Jacob « serviront à établir les fondations du ciel, et à consolider la terre, et à renouveler tous les luminaires qui sont dans le firmament »[3].

L’auteur n’envisage donc pas l’inauguration du règne de Dieu au mont Sion comme une catastrophe, mais comme un progrès. Encore avons-nous constaté à quel point ses vues sont influencées par des textes antérieurs dans le sens de l’eschatologie. Car il a énoncé non moins clairement la perpétuité du règne de Dieu, dans le sens du rabbinisme postérieur.

Abraham dit à Dieu : « Je t’ai choisi, et ton règne »[4], c’est-à-dire qu’Abraham, au moment de sa vocation, acceptait le règne de Dieu. Le sabbat est une des institutions de ce règne. « Et ce jour est, entre tous les jours à jamais, un jour du saint règne »[5]. Ceux qui l’observent font régner Dieu plus que les jours ordinaires.

Le sens des psaumes dits de Salomon est plus controversé[6]. Écrits plus tôt que 40 av. Jésus-Christ et traduits en grec avant l’an 100 de notre ère, ils sont, même dans la version grecque que nous possédons seule, le plus ancien monument authentique de l’esprit pharisien. Le règne universel et éternel de Dieu s’y accorde avec sa domination spéciale sur Israël, qui est même dit son royaume. L’idée eschatologique, du moins selon nous[7], est évitée.

Voici les textes. A propos du grand ennemi où l’on reconnaît Pompée :

Il a dit : Je serai Seigneur de la terre et de la mer,
et il n’a pas reconnu que c’est Dieu qui est grand,
puissant et vraiment fort.
C’est lui qui est roi au-dessus du ciel,
et juge les rois et les principautés…

  1. Is. xxx, 26, la lune brillera comme le soleil, et le soleil sept fois plus.
  2. Is., lxv, 17 ; lxvi, 22.
  3. Jubilés, xix, 25. Il s’agit bien des temps du salut et non pas, comme le veut M. Charles, d’une époque nouvelle inaugurée par Jacob.
  4. xii, 9.
  5. l, 9.
  6. Éditions 1) de Ryle et James, 2) de Gebhardt ; voir plus loin, p. 230.
  7. Contre M. Boehmer, Zum Verständniss…, p. 463.