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tour du livre. Le sopher est celui qui l’écrit, celui qui le connaît, celui qui l’explique ; aussi les scribes du Nouveau Testament sont-ils en même temps des docteurs de la Loi[1]. Du jour où le judaïsme concentra dans la Loi sa foi religieuse, sa vie domestique et sociale, toutes les règles et toutes les aspirations, le docteur de la Loi, celui qui seul la connaissait assez bien pour en déterminer l’application à des cas particuliers, acquit une importance sociale et religieuse de premier rang. Cette connaissance de la Loi eût dû être avant tout l’office du prêtre, et il est vraisemblable que les prêtres furent assidus à l’étude de leurs obligations techniques et sociales. Mais sous les Séleucides le sacerdoce se montra fort tiède. Séduits par l’hellénisme, engagés dans des compétitions personnelles, indifférents à la cause de Dieu et du peuple, les grands prêtres s’aliénèrent les âmes fidèles. Quand le sacerdoce se releva avec les Asmonéens, il s’était déjà formé un parti de zélateurs, bien décidés à surveiller désormais leurs agissements. Parmi eux figuraient naturellement les docteurs de la Loi les plus compétents et les plus attachés à son observance. C’est ainsi que les scribes se trouvèrent englobés dans le parti des Pharisiens dont ils étaient l’âme. La doctrine des docteurs de la Loi et celle des Pharisiens ne font qu’un système de stricte adhésion à la loi de Moïse.

Le judaïsme orthodoxe qui prévaut au temps de Jésus est donc le pharisaïsme ; pharisaïsme ou théologie pharisaïque conviendrait mieux ici que rabbinisme, si l’on n’avait à parler que de la théologie du premier siècle de notre ère.

Mais les Pharisiens, parti d’opposition, — et c’est pour cela qu’on les nomma les séparés, — disparurent comme tous les partis d’opposition quand ils triomphent trop. Ils n’eurent plus d’adversaires, les Sadducéens ayant été emportés avec la ruine du Temple, et désormais leur nom ne fut plus la marque distinctive d’une certaine orthodoxie ; il n’y en eut plus d’autre que la leur.

L’opposition n’existera plus dès lors qu’entre les scribes ou docteurs, et le peuple. Les premiers, déjà chefs spirituels des consciences, sont aussi maintenant les seuls organes de la Loi et constituent un véritable sacerdoce dont l’esprit se transmet par une sorte d’ordination. Ce sont vraiment les maîtres, les autres sont des disciples.

Dès le début, les scribes avaient eu une haute idée de leur mérite, tournant presque au mépris du populaire :

L’étude du scribe augmente sa science,
Et celui qui donne peu à ses affaires devient instruit.

  1. Γραμματεῖς et νομικοί ou encore νομοδιδάσκαλοι.