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comme les anges des cieux. Que ferez-vous ? vous n’aurez pas à vous cacher au jour du grand jugement… Et maintenant, ne craignez pas, ô justes, quand vous voyez les pécheurs fermes et heureux dans leur voie, et ne vous associez pas à eux, mais éloignez-vous de leur violence, car vous aurez part au sort de l’armée du ciel[1].

Cette résurrection, si vraiment c’est une résurrection, est donc à tout le moins fort spirituelle ; tout ce livre ne ressemble à rien tant qu’au livre canonique de la Sagesse, auquel il emprunte le contraste entre les pécheurs et les justes et les quolibets des pécheurs contre leurs victimes.

C’est employer les termes à contresens, à force de les prendre dans un sens large, que de parler ici des temps messianiques.

En revanche, dans le livre des songes (lxxxiii-xc) du même Hénoch, c’est bien du messianisme qu’il s’agit, quoique sous la transparence d’une allégorie. S’il fallait s’en rapporter au texte éthiopien, il faudrait placer la résurrection avant l’arrivée du Messie, un vrai Messie temporel :

Et toutes celles (les brebis) qui avaient péri et avaient été dispersées, et toutes les bêtes sauvages et tous les oiseaux du ciel se réunirent dans cette maison, et le Seigneur des brebis se réjouit d’une grande joie parce qu’ils étaient tous bons et qu’ils étaient revenus à sa maison[2].

Cependant tout porte sur le mot « périr », qui sans doute traduit exactement l’éthiopien, mais dont le sens n’est guère en situation. Si les brebis avaient péri, elles ne pouvaient ensuite être dispersées. Le contexte demande : « qui avaient été frappées ». Ce qui réjouit le Seigneur des brebis, c’est leur réunion. A supposer que l’auteur ait eu en vue la résurrection, son moment ne devait arriver que plus tard, après la naissance du Messie. En effet, c’est à ce moment que les Israélites fidèles se transforment en taureaux blancs. Peut-être faut-il expliquer par la résurrection des corps cette transformation à l’instar du Messie, — taureau qui alors devient un aurochs.

Le livre d’Hénoch, dans ses différentes parties, lie donc toujours la résurrection aux fins ultimes ; si ces fins coïncident avec le règne de l’Élu dans le livre des Paraboles, c’est que cet élu est le chef du monde futur transcendant, non le Messie annoncé par les prophètes et que la nation n’avait pas cessé d’attendre.

La pensée de l’auteur du IVe livre d’Esdras est fort claire : c’est déjà une théorie des fins dernières très développée, ou même une description de l’existence qui suit la mort.

  1. civ, 4-6 (Trad. Martin).
  2. xc, 33.