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rusalem, — par les Chaldéens, puisque le révélateur est Baruch, — mais on comprend assez que le véritable auteur vivait après la ruine du Temple sous Vespasien.

Cette série de malheurs, accablant la cité sainte et le temple où Dieu résidait, plonge le voyant dans un malaise indicible. Ce ne sont point les Chaldéens qui ont détruit la ville, ce sont les anges ; Dieu l’avait quittée, et ce qui a été saccagé, ce n’était même pas la vraie cité sainte, enlevée par Dieu auprès de lui avec le Paradis. Malgré tout, le scandale subsiste, puisque les Juifs valent mieux que leurs adversaires, et, quoi qu’il en soit des vivants, qu’adviendra-t-il des justes décédés, et quel sera leur salaire, s’il faut que toujours l’histoire se recommence ? C’est par ce pli que l’auteur aborde l’eschatologie individuelle. Il va sans dire que pour lui la question ne se pose pas dans ces termes philosophiques. L’histoire, mauvaise à Israël[1], l’amène à penser que le monde va finir. Qu’en sera-t-il des promesses de gloire faites à Sion et du bonheur promis aux justes dans un monde meilleur[2] ?

La réponse est dans le messianisme, suivi du monde futur.

Il est trois fois question du Messie, une première fois en clair, puis dans la vision du cèdre et de la source, enfin dans la vision de la nuée. Après des calamités inouïes, après qu’un petit reste seul aura été conservé par la providence de Dieu, dans « cette terre », c’est-à-dire la Terre sainte, tout étant révolu, le Messie commencera à se révéler[3]. Avec lui se manifesteront Béhémoth et Léviathan. Sa présence inaugure une époque plantureuse. La fertilité de la terre sera prodigieuse ; des anges feront respirer des parfums le matin, et distilleront le soir une rosée salutaire. On se nourrira de manne, car c’est la fin des temps. Que fait le Messie ? rien. Quand il retournera au lieu d’où il est venu[4], les réceptacles des âmes se videront ; elles se présenteront pour la récompense ou le supplice.

  1. xxi, 13 : Si enim haec tantum vita esset, quae hic est omni homini, nihil esset amarius hoc. Le latin d’après Fritzsche, Libri apocryphi.
  2. xiv, 13 : Propter hoc etiam ipsi sine timore relinquunt mundum istum, et fidentes in laetitia sperant se recepturos mundum quem promisisti eis.
  3. xxix, 3 : et erit postquam completum fuerit quod futurum est ut sit in illis partibus, tunc incipiet revelari Messias.
  4. xxx, 1 : Et erit post haec, cum implebitur tempus adventus Messiae et redibit in gloria, tunc omnes qui dormierunt in spe eius, resurgent. L’arrivée du Messie et son retour sont contradictoires dans la position de Baruch, et ne s’expliquent que sous la plume d’un chrétien, attendant l’avènement du Messie, le second avènement, qui est un retour. De plus les justes de Baruch placent leur espérance dans la Loi, non dans le Messie. Enfin la résurrection ne saurait précéder ce qui suit : et erit illo tempore, aperientur promptuaria. Il y a donc ici manifestement une interpolation chrétienne. C’est peut-être tout le verset qui