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sion à l’invasion des Parthes[1]. Non que l’auteur en soit nécessairement le contemporain. Mais, pour la première fois, ces hardis cavaliers pénétrèrent alors à Jérusalem et acquirent ainsi un titre à remplacer Gog et Magog dans les calamités de l’avenir. De plus les rois et les puissants, que l’auteur hait et réprouve, sont des idolâtres[2]. La haine des Pharisiens contre les Asmonéens ne pouvait guère aller jusqu’à les accuser formellement d’idolâtrie. On a cru que ce livre reflétait l’animosité des Pharisiens contre Alexandre Jannée ; mais tout ce qu’on peut alléguer dans ce sens s’applique encore mieux à Archélaüs, que les Juifs firent déposer par Auguste pour sa tyrannie et sa cruauté[3].

Donc si notre apocalypse ne peut guère remonter plus haut que 40 avant Jésus-Christ, elle peut descendre sensiblement plus bas. On a même soutenu qu’elle était toute entière d’origine chrétienne, à cause du Fils de l’homme qu’elle met en scène[4]. Cette opinion est rejetée à bon droit par la grande majorité des critiques : aucun chrétien ne pouvait songer à décrire un Fils de l’homme qui n’aurait jamais paru sur la terre avec les apparences de Jésus de Nazareth. Mais il serait plus aisé de soutenir que tous les passages relatifs au Fils de l’homme ont été interpolés[5], car ils introduisent sans nécessité un second aspect de la même figure, exclusivement nommée l’Élu dans la première des trois paraboles.

    teur ou l’interpolateur de Hén. éth. lxxi, 14, le « Fils de l’homme serait donc, non point le Roi-Messie qui est ainsi désigné dans le document I, non point l’homme même que l’on apostrophe comme il en va dans le fragment noachiqne indiqué, mais celui-là spécialement qui est prédestiné à la gloire et sait qu’il l’est » (p. 64, note). Avant de juger trop sévèrement notre hypothèse d’une atténuation de parti pris du titre de fils de l’homme, dérivé sur Hénoch pour éviter Jésus, nous demandons qu’on se souvienne des nombreuses falsifications de textes si audacieusement perpétrées par les Juifs dans la littérature grecque et présentées par eux avec une audace encore plus surprenante dans un but apologétique.

  1. lvi, 5:« En ces jours, les anges reviendront et se jetteront vers l’Orient, chez les Parthes el les Mèdes ; ils secoueront les rois, et un esprit de trouble les envahira (les rois); et ils les renverseront de leurs trônes et (ces rois) s’enfuiront comme des lions de leurs tanières au milieu de leurs troupeaux » (Trad. Martin).
  2. xlvi, 7:« Leur puissance réside dans leur richesse, et leur confiance (va) aux dieux qu’ils ont fait de leurs mains ; ils renient le nom du Seigneur des esprits ; et ils persécutent ses assemblées et les fidèles qui sont attachés au nom du Seigneur des esprits » (Trad. Martin).
  3. Josèphe, Ant. XVII, xiii, 2; cf. Bell. II, vii, 3.
  4. C’est encore l’opinion de M. Nathanaël Schmidt, dans Encyclopaedia biblica : Son of man.
  5. xlvi, 2. 3. 4 ; xlviii, 2 : walda sab’e, filius hominis ; lxii, 7. 9. 14 ; lxiii, 11 ; lxix, 26. 27 ; lxx, 1 : walda ’eguâla ’emaḥayâw, équivalent de ὁ υἱὸς τοῦ ἀνθρώπου dans le N. T. ; lxii, 5 ; lxix, 29 (bis) : walda be’esî, filius viri, changé dans les moins bons manuscrits en walda be’esît, « fils de la femme » ; cf. F. C. Burkitt, dans The journal of theological studies, 1907, p. 446 s.