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de ce monde spirituel, déjà existant dans le ciel, en attendant d’apparaître à la fin des temps.

Cette exaltation du Messie résulta peut-être aussi de l’extrême tension des esprits et d’une suprême angoisse, dans l’état vraiment désespéré où se trouvèrent les Juifs après la mort d’Hérode et les exécutions sanglantes de Varus. Nous avons vu en parlant de Josèphe qu’entre les campagnes du grand Pompée et la ruine définitive sous Titus, il y eut en Judée une agitation plus courte, mais dont les Juifs ont gardé le souvenir comme d’une catastrophe atroce[1]. Josèphe cite trois aventuriers qui prirent le titre de roi, pendant qu’Archélaus négociait à Rome[2].

D’où leur venait cette audace, et sur quoi fondaient-ils leurs prétentions, si ce n’est sur une vocation surnaturelle ? La répression fut rapide et dure. Varus s’empara de Jérusalem et fit crucifier deux mille mutins[3].

Ainsi toute lutte à main armée était inutile. Les Macchabées avaient mis leur confiance en Dieu, mais n’avaient pas été moins bons politiques que braves guerriers. Recommencer des guerres dans ce style n’était plus possible. La puissance romaine, concentrée dans les mains d’Auguste, était un autre ennemi que l’empire branlant des Séleucides. Il fallait qu’elle fût abattue d’un coup, et ce ne pouvait être l’œuvre que de Dieu.

C’est alors qu’apparaît l’idée d’une intervention foudroyante, instantanée, d’une manifestation du règne de Dieu. En attendant que Dieu agisse, il n’y a qu’à se croiser les bras en se confiant au miracle. C’est dans cet esprit que fut écrite l’apocalypse connue sous le nom d’Assomption de Moïse[4]. Toute l’histoire du passé, développée par Moïse comme à venir, vient aboutir à la glorification surnaturelle d’Israël. Son vengeur est déjà prêt ; l’auteur le nomme l’ange ou le messager de Dieu, comme Moïse ; ce ne peut être, sans le nom, qu’un Messie personnel. Ces idées sont exprimées dans une sorte de psaume qu’il faut reproduire ici[5].

1.Alors paraîtra son règne sur toute sa création,
alors le diable aura son terme,
et la tristesse sera emmenée avec lui.

  1. Schürer, Geschichte…, I, p. 418 ss. et plus haut, p. 17 s.
  2. Judas en Galilée (Ant. XVII, x, 5 ; Bell. II, iv, 1) ; Simon en Pérée (Ant. XVII, x, 6 ; Bell. II, iv, 2) ; Athrongès en Judée (Ant. XVII, x, 7 ; Bell. II, iv, 3).
  3. Ant. XVII, x, 9-10 ; xi, 1 ; Bell. II, v, 1-3.
  4. RB., 1905, p. 481-486.
  5. Cf RB., 1905, p. 484 s.