Page:Le messianisme chez les Juifs.pdf/102

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

CHAPITRE IV

ESCHATOLOGIE MESSIANIQUE TRANSCENDANTE.


Les apocalypses que nous avons rencontrées jusqu’à présent se préoccupaient, les premières, du jugement moral sur les méchants et les justes, sans faire allusion au Messie, les autres, des destinées d’Israël où le Messie avait naturellement sa place marquée. Les premières avaient un aspect mondial, avec une eschatologie soudaine et définitive, les autres un caractère national, avec une eschatologie historique, assez souvent progressive. Les nouvelles vues s’expliquent assez bien par l’essor religieux et national du temps des Macchabées. Quand il fut définitivement brisé au moment où le dernier roi des Asmonéens succomba sous la hache du bourreau (37 av. J.-C.), depuis longtemps déjà l’accord était rompu entre la dynastie et les éléments les plus religieux de la nation. L’idéal messianique qui avait reparu aux yeux de tous dans son ancien éclat avait risqué d’être dévoyé. L’apocalyplique dédaigna la solution vulgaire qui l’eût remis dans la tradition ; elle le mit hors de la portée de tout événement humain en le transportant dans le ciel. On pouvait ainsi revenir à la grande eschatologie morale, en transformant hardiment le rôle du Messie qui y trouverait sa place, comme juge et comme chef du monde à venir. Que le Messie dût avoir une origine transcendante, ce n’était point précisément nouveau. Personne ne pouvait aller plus loin qu’Isaïe annonçant un sauveur qui serait un enfant-Dieu[1]. Mais alors une impulsion se produisit qui fit, pour ainsi dire, remonter le messianisme vers sa source, en dépassant même, sans s’y arrêter, le point marqué par l’ancienne prophétie, la descendance de David et une vie d’homme.

Cette phase correspond assez naturellement à la transformation qui s’était opérée dans l’eschatologie cosmique, devenue plus spirituelle. Si le Messie qui s’était imposé de nouveau à l’attention comme le chef de l’ordre futur avait à y jouer un rôle, il devait faire partie, lui aussi,

  1. Is. ix, 5.