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lui délivrais une chevelure ennemie. La proposition ne m’embarrassa point : Il paraîtra dans peu, lui répliquai-je en me levant, si tu es un homme d’honneur. Je partis en diligence pour le camp d’Abnakis. Je demandai au premier venu, s’il était maître de quelque chevelure, et s’il voulait me faire le plaisir de m’en gratifier. J’eus tout lieu de me louer de sa complaisance ; il délia son sac et me donna le choix. Pourvu d’une de ces barbares dépouilles, je la portais en triomphe, suivi d’une foule de français et de canadiens curieux de savoir l’issue de l’aventure. La joie me prêta des ailes ; je fus dans un moment à mon Huron. Voilà, lui dis-je en abordant, voilà ton paiement : Tu as raison, me répondit-il ; c’est bien une chevelure anglaise, car elle est rouge. C’est en effet la couleur qui distingue assez ordinairement les colons anglais de ces contrées. Eh bien ! voilà l’enfant, emporte-le ; il t’appartient ? Je ne lui donnai pas le temps de revenir sur le marché. Je pris sur-le-champ entre mes mains le petit malheureux. Comme il était presque nu, je l’enveloppai dans ma robe. Il n’était pas accoutumé à être porté par des mains aussi peu habiles que les miennes. Le pauvre enfant poussait des cris qui m’instruisaient autant de ma maladresse que de ses souffrances ; mais je me consolai dans l’espérance de le calmer bientôt, en le montrant à des mains plus chéries. J’arrive au fort ; aux cris du petit, toutes les femmes accoururent. Chacune se flattait de retrouver l’ob-