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par sa grosseur avec de petits yeux, une corpulence épaisse et massive jointe à une taille raccourcie, des jambes grosses et courtes ; tous ces traits et bien d’autres lui fournissaient, sans contredit, de justes titres pour avoir place parmi les hommes difformes ; mais pour être disgracié de la nature, il n’en était pas moins homme, c’est-à-dire, qu’il n’avait pas moins droit aux attentions et aux égards de la charité chrétienne ; il n’était pourtant que trop la victime autant de sa mauvaises mine, que de sa malheurense fortune. Il était lié à un tronc d’arbre, où sa figure grotesque attirait la curiosité des passans ; les huées ne lui furent pas d’abord épargnées, mais les mauvais traitemens vinrent après, jusques là, que d’un soufflet rudement appliqué, on lui arracha presque un œil de la tête. Ce procédé me révolta ; je vins aux secours de l’affligé, d’auprès de qui je chassai tous les spectateurs avec un ton d’autorité que je n’aurais sans doute osé jamais prendre si j’avais été moins sensible à son malheur. Je fis sentinelle à ses côtés une partie de la journée ; enfin je fis si bien que je vins à bout d’intéresser les sauvages (ses maîtres) en sa faveur, de sorte qu’il ne fut plus besoin de ma présence pour le dérober à la persécution. Je ne sais s’il fut trop sensible à mes services ; du moins un coup d’œil sombre fut tout ce que j’en tirai ; mais indépendamment de la religion, j’étais trop payé par le seul plaisir d’avoir secouru un malheureux. Il ne manquait pas de gens