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moutons de notre armée se prit à bêler ; à ce çri, qui décelait l’embuscade, les ennemis tournèrent face, firent route vers le rivage opposé, et forcèrent de rames pour s’y sauver à la faveur des ténèbres et des bois. Cette manœuvre aussitôt reconnue, que faire ? Douze cens sauvages s’ébranlèrent ; et volèrent à leur poursuite avec des hurlemens aussi effrayans par leur continuité que par leur nombre. Cependant des deux côtés on sembla d’abord se respecter ; pas un seul coup de fusil ne fut lâché. Les agresseurs n’ayant pas eu le temps de se former, craignaient de se tuer mutuellement, et voulaient, d’ailleurs, des prisonniers. Les fugitifs employaient plus utilement leurs bras à accélérer leur fuite. Ils touchaient presqu’au terme, lorsque les sauvages, qui s’aperçurent que leur proie échappait, firent feu. Les anglais, serrés de trop près par quelques canots avant-coureurs, furent obligés d’y répondre. Bientôt un silence sombre succéda à tout ce fracas. Nous étions dans l’atteinte d’un succès, lorsqu’un faux brave s’avisa de se faire honneur dans l’histoire fabuleuse du combat, auquel il n’avait sûrement pas assisté. Il débuta par assurer que l’action avait été meurtrière pour les Abnakis. C’en fut assez pour me mettre en action. Muni des Saintes-Huiles, je me jetai avec précipitation dans un canot pour aller au-devant des combattants. Je priais à chaque instant mes guides de faire diligence. Il n’en était pas besoin, du moins pour moi. Je fis