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le sauvage est son maître et son roi, et il porte par-tout avec lui son indépendance. Je n’avais pas pour cette fois à lutter contre l’ivresse ; il ne s’agissait que de réprimer la jeunesse inconsidérée de quelques étourdis ; aussi la décision fut prompte. Imaginez-vous une foule d’écoliers qui redoutent leur maîtres. Tels furent à ma présence ces guerriers si redoutables : ils disparurent à mon approche, au grand étonnement des français. À peine pus-je en joindre un à qui je demandai, d’un ton d’indignation, s’il était las de vivre, ou s’il avait conjuré notre perte ! Il me répondit, d’un ton fort radouci : non, mon Père. Pourquoi donc, ajoutai-je, pourquoi allez-vous vous exposer à sauter en l’air, et nous faire sauter nous-mêmes par l’embrasement des poudres ? Taxe-nous d’ignorance, répliqua-t-il, mais non de malice. Nous ignorions quelles fussent si près. Sans faire tort à sa probité, on pouvait suspecter la vérité de son excuse ; mais c’était beaucoup qu’il voulût descendre à une justification, et plus encore qu’il voulût mettre fin à son dangereux badinage, ce qu’il exécuta sur-le-champ.

L’inaction à laquelle je voyais condamnés nos sauvages chrétiens, jointe à leur mélange avec tant de nations idolâtres, me faisait trembler, non pour la religion, mais pour leur conduite. Je soupirais après le jour où les préparatifs nécessaires pour l’expédition une fois consommés, on pourrait se mettre en mouvement. L’esprit occupé, le cœur est plus en