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ne crus pas devoir attendre qu’il me réitérât un compliment de cette espèce ; je lui obéis.

J’allai me renfermer dans ma tente, et m’y livrer aux réflexions que la religion et l’humanité peuvent suggérer dans ces sortes de circonstances. Je ne pensai point à prendre des mesures pour précautionner mes Abnakis contre des excès si crians. Quoique l’exemple soit un écueil redoutable pour tous les hommes, en matière de tempérance et de mœurs, ils étaient incapables de se porter à ces extrémités ; on leur doit même cette justice que, dans les temps où ils étaient plongés le plus avant dans tes ténèbres du paganisme, jamais ils n’ont mérité l’odieux nom d’antropophages. Leur caractère humain et docile sur cet article les distinguait dès-lors de la plus grande partie des sauvages de ce continent. Ces considérations me conduisirent bien avant dans la nuit.

Le lendemain, à mon réveil, je comptais qu’il ne resterait plus autour de ma tente aucun vestige du repas de la veille. Je me flattais que les vapeurs de la boisson dissipées, et l’émotion inséparable d’une telle action étant apaisée, les esprits seraient devenus plus rassis, et les cœurs plus humains. Je ne connaissais pas le génie et le goût Outaouac. C’était par choix, par délicatesse, par friandise, qu’ils se nourrissaient de chair humaine. Dès l’aurore ils n’avaient rien eu de si pressé que de recommencer leur exécrable cuisine. Déjà ils n’attendaient plus que le moment désiré où