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eaux. Les ennemis ne s’expriment sur les désastres de cette journée, qu’en des termes qui marquent également et leur douleur et leur surprise. Ils conviennent ingénument de la grandeur de leur perte. Il serait, en effet, difficile de s’inscrire en faux contre la moindre particularité : les cadavres des officiers et de leurs soldats, en partie flottans sur les eaux du Lac St.-Sacrement, en partie encore étendus sur le rivage, déposeraient contre ce désaveu. Quant à leurs prisonniers, la plus grande partie gémit encore dans les fers de M. le Chevalier de Lévi. Je les vis défiler par bandes, escortés de leurs vainqueurs, qui, occupés en barbares de leur triomphe, ne paraissaient guères d’humeur à adoucir la défaite des vaincus. Dans l’espace d’une lieue qu’il me fallait faire pour rejoindre mes Abnakis, je fis rencontre de plusieurs petites troupes de ces captifs. Plus d’un sauvage m’arrêta sur mon chemin pour faire montre de sa prise en ma présence, et pour jouir en passant de mes applaudissemens. L’amour de la patrie ne me permettait pas d’être insensible à des succès qui intéressaient la nation. Mais le titre de malheureux est respectable, non-seulement à la religion, mais à la simple nature. Ces prisonniers d’ailleurs s’offraient à moi sous un appareil si triste, les yeux baignés de larmes, le visage couvert de sueur et même de sang, la corde au cou. À cet aspect, les sentimens de compassion et d’humanité avaient bien droit sur mon cœur. Le rhum