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fût ensanglantée d’une seule goutte de leur sang, et leur coûtât un seul homme. L’ennemi, au nombre de trois mille hommes, chercha en vain à avoir sa revanche, en les poursuivant dans leur retraite ; elle fut faite sans la moindre perte. On était occupé à compter le nombre de trophées barbares, c’est-à-dire des chevelures anglaises dont les canots étaient parés, lorsque nous aperçûmes, d’un autre côté de la rivière, une barque française qui nous amenait cinq anglais liés et conduits par des Outaouacks, dont ils étaient les prisonniers.

La vue de ces malheureux captifs répandit la joie et l’allégresse dans le cœur des assistans ; mais c’était, dans la plupart, une joie féroce et barbare, qui se produisit par des cris effroyables et par des démarches bien tristes pour l’humanité. Un millier de sauvages, tirés de trente-six nations réunies sous l’étendard français, étaient présens et bordaient le rivage. Dans l’instant, sans qu’il parût qu’ils se fussent concertés, on les vit courir avec la dernière précipitation vers les bois voisins. Je ne savais à quoi devait aboutir une retraite si brusque et si inopinée. Je fus bientôt au fait. Je vis revenir un moment après ces furieux, armés de bâtons, qui se préparaient à faire à ces infortunés anglais la plus cruelle des réceptions. Je ne pus retenir mon cœur à la vue de ces cruels préparatifs. Les larmes coulaient de mes yeux : ma douleur cependant ne fut point oisive. J’allai, sans délibérer, à la ren-