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chanson il a soin d’insérer de temps-en-temps quelque plaisanterie grotesque. Il s’arrête alors comme pour s’applaudir, ou plutôt pour recevoir les applaudissemens sauvages que mille cris confus font retentir à ses oreilles. Il prolonge sa promenade guerrière aussi long-temps que le jeu lui plaît ; cesse-t-il de lui plaire, il la termine en jetant avec dédain la tête qu’il avait entre les mains, pour désigner par ce mépris affecté, que c’est une viande de toute autre espèce qu’il lui faut pour contenter son appétit militaire. Il vient ensuite reprendre sa place, où il n’est pas plutôt assis, qu’on lui coiffe quelquefois la tête d’une marmite de cendres chaudes ; mais ce sont là de ces traits d’amitié, de ces marques de tendresse qui ne se souffrent que de la part d’un ami bien déclaré et bien reconnu : une pareille familiarité d’un homme ordinaire serait censée une insulte. À ce premier guerrier en succèdent d’autres qui font traîner en longueur la séance, surtout quand il s’agit de former de gros partis, parce que c’est dans ces sortes de cérémonies que se font les enrôlemens. Enfin, la fête s’achève par la distribution et la consommation des viandes.

Tel fut le festin militaire donné à nos sauvages, et le cérémonial qui s’y observa. Les Algonkins, les Abnakis, les Nipistingues et les Amenecis étaient de cette fête. Cependant, des soins plus sérieux demandaient ailleurs notre présence ; il se fesait tard, nous nous levâmes, et chaque missionnaire, suivi de ses