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le mécanisme du toucher

mouvant quelque peu entre le pouce et nos quatre derniers doigts, les empreintes de nos contacts reproduiront les dispositions concentriques de l’objet. Dans ces deux expériences, sans que nous ayons vu les objets tenus entre nos doigts, nos impressions tactiles nous auront suggéré des conclusions conformes aux empreintes réalisées.

Cette corrélation logique disparaîtra dès que nous voulons analyser des contacts dont la finesse est plus grande. Si par exemple, au lieu de nous servir de formes simples, nous faisons des empreintes en posant les doigts sur des objets incrustés, nos attouchements réaliseront des dessins d’une telle finesse que nos impressions tactiles ne nous permettront plus de les contrôler ; nous cesserons de nous représenter par nos sensations ce que nous touchons.

Ces empreintes qui sont d’une délicatesse, d’un fini surprenant, nous offrent la preuve expérimentale de la puissance de diversification de notre toucher. Ces diversifications multiples jouent un rôle si important dans l’activité créatrice de l’artiste que nous devons les développer à force de les analyser ; plus nous les rendrons conscientes, plus nous féconderons notre éducation. C’est la pénétration avec laquelle l’artiste voit le détail qui lui fait concevoir l’ensemble avec une intensité particulière. Aussi la supériorité de l’œuvre d’art fait qu’on n’est pas tenté de regarder d’abord tel ou tel fragment : l’impression est grande parce que de prime abord on voit le tout. Plus cette façon de regarder s’impose, plus il se dégage d’attrait de la contemplation d’une œuvre d’art.