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Du moment qu’on peut prouver que les représentations mentales des sons peuvent s’acquérir par le caractère de l’étude, on doit aussi admettre que la musicalité peut être acquise. Nous avons été à même d’apprécier la vérité de ce fait entre autres par l’exemple suivant. Chez trois jeunes filles ayant commencé simultanément leur éducation musicale par l’exercice de l’immobilité, nous avons constaté des progrès à peu près équivalents, quoique la troisième eût extraordinairement peu de dispositions, grâce à son zèle la qualité de son travail lui permettait de se maintenir à la hauteur des autres. Ces élèves ayant pendant deux ans interrompu complètement l’exercice de l’immobilité, les deux premières avaient perdu la mémoire musicale pour les œuvres ultérieurement apprises, tandis qu’elles continuaient à se souvenir de celles qu’elles avaient apprises avec l’immobilité, et, dans ces œuvres, toutes les qualités de l’exécution restaient acquises. Quant à la troisième, non seulement elle n’avait plus de mémoire, mais toutes les qualités de son exécution avaient disparu ; elle n’avait plus de son, plus de style, plus de mécanisme, et avait néanmoins persévéré dans l’étude autant que les deux autres.

Donc si, par le caractère de l’étude, on arrive à faire progresser les élèves, qu’ils soient oui ou non doués pour la musique, il n’en est pas moins vrai que l’influence de l’immobilité doit être prolongée pour amener un épanouissement graduel chez ceux qui ont des aptitudes, et que, chez ceux qui en sont privés, si leur éducation n’est