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les mille nuits et une nuit

l’égorger. Mais à cette vue, la femme se mit à lancer de grands cris et à hurler de travers, et si fort que tous les voisins et voisines accoururent au secours et la trouvèrent sur le point d’être égorgée. Alors ils éloignèrent de force le mari, et demandèrent la cause qui nécessitait un tel châtiment. Et la femme s’écria : « Je ne sais point la cause ! » Alors tous crièrent au marchand : « Si tu as à te plaindre d’elle, tu as le droit soit de divorcer d’avec elle, soit de la réprimander avec douceur et aménité. Mais tu ne peux la tuer, car, pour être chaste, elle est chaste et nous la connaissons comme telle et en témoignerons devant Allah et devant le kâdi ! Elle est depuis longtemps notre voisine, et nous n’avons remarqué dans sa conduite rien de répréhensible ! » Le marchand répondit : « Laissez-moi l’égorger, cette débauchée. Et si vous voulez avoir la preuve de ses débauches, vous n’avez qu’à regarder la tache liquide qu’ont laissée les hommes introduits par elle dans mon lit ! » À ces paroles, les voisins et les voisines s’approchèrent du lit et chacun à son tour plongea le doigt dans la tache et dit : « C’est là un liquide d’homme ! » Mais à ce moment, le jeune garçon, s’étant approché à son tour, recueillit dans une poêle à frire le liquide qui n’avait pas été absorbé par le drap, approcha la poêle du feu et en fit cuire le contenu. Après quoi il prit ce qu’il venait de cuire, en mangea la moitié et en distribua l’autre moitié aux assistants, en leur disant : « Goûtez-en ! c’est du blanc d’œuf ! » Et tous, ayant goûté, s’assurèrent de la sorte que c’était réellement du blanc d’œuf ; même le mari, qui comprit alors que son épouse était in-