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les mille nuits et une nuit

cette vue, jeta un cri d’admiration et s’élança au cou de l’adolescent qui la monta comme un coq triomphant. Et, en une heure de temps, il la pénétra une première fois, puis une deuxième fois, puis une troisième fois, et ainsi de suite jusqu’à la dixième fois, alors que, tumultueuse, elle s’agitait et gémissait et se remuait éperdument.

Tout cela !

Et, de derrière le treillis en bois de la porte, le masseur voyait toute la scène et n’osait, par crainte de l’opprobre public, faire du bruit ou casser la porte. Et il se contentait d’appeler à mi-voix son épouse qui ne lui répondait pas ! Et il lui disait : « Ô mère d’Ali, qu’attends-tu donc pour sortir ? La journée s’avance et tu as oublié à la maison ton nourrisson qui attend le sein ! » Mais elle, située en dessous de l’adolescent, continuait ses ébats et, au milieu des rires et des halètements, disait : « Non, par Allah ! je n’aurai désormais à donner le sein à d’autre nourrisson que cet enfant ! » Et le fils du vizir lui dit : « Pourtant tu pourrais bien aller un instant le nourrir, pour aussitôt revenir ! » Elle répondit : « On me ferait sortir plutôt l’âme avant de me décider à rendre pour une heure orphelin de sa mère mon nouvel enfant ! »

Aussi, quand le pauvre masseur vit son épouse lui échapper de la sorte, et refuser avec cette effronterie de revenir à lui, il fut dans un tel désespoir et une telle rage de jalousie qu’il monta sur la terrasse du hammam et se jeta de là pour aller se briser la tête dans la rue. Et il mourut.

Or, cette histoire est pour prouver que le sage ne doit point se fier aux apparences.