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anecdotes morales… (le jeune garçon)
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tu as bien raison ! Et tu viens justement de me faire penser à ce qui fait le sujet de mon seul tourment ! Si l’héritage de mon vénéré père est si petit, la faute est à moi seul qui jusqu’aujourd’hui ai négligé de le faire fructifier. Comment veux-tu, en effet, que le chevreau devienne un puissant bouc s’il se tient loin des chèvres incendiaires, ou que l’arbre se développe si on ne l’arrose pas ? Moi jusqu’aujourd’hui je me suis tenu loin des femmes, et nul désir n’est encore venu réveiller mon enfant dans son berceau ! Mais il est temps, je pense, que se réveillent les endormis et que le berger s’appuie sur son bâton ! »

À ce discours du fils du vizir, le masseur du hammam dit : « Mais comment fera le berger pour s’appuyer sur un bâton qui n’est pas plus gros que la phalangette du petit doigt ? » Le garçon répondit : « Je compte pour cela, mon bon oncle, sur ton généreux vouloir. Tu vas aller sur l’estrade où j’ai laissé mes vêtements, et tu prendras la bourse que tu trouveras dans ma ceinture ; et avec l’or qu’elle contient tu iras me chercher une adolescente capable de commencer ce développement. Et moi je ferai avec elle mon premier essai ! » Et le masseur répondit : « J’écoute et j’obéis ! » Et il alla sur l’estrade, prit la bourse et sortit du hammam chercher l’adolescente en question.

En cours de route, il se dit : « Ce pauvre garçon s’imagine qu’un zebb est une pâte de caramel mou, qui se développe tant et plus dès qu’on la touche ! Ou peut-être croit-il que le concombre devient concombre du jour au lendemain, ou que la banane mûrit avant de devenir banane ! » Et, riant de l’a-