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histoire d’abou-kir et d’abou-sir
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taine du port qui nous livre chaque jour le poisson destiné au roi ? Il y a déjà longtemps que nous attendons son retour ! De quel côté s’est-il dirigé ? » Abou-Sir répondit, en étendant la main de leur côté : « C’est de ce côté-là qu’il est parti ! » Mais au même moment les deux têtes des garçons de cuisine sautèrent d’entre leurs épaules et roulèrent avec leurs propriétaires sur le sol !

C’était l’éclair lancé par l’anneau porté par Abou-Sir qui venait de tuer les deux garçons pourvoyeurs.

En voyant les deux garçons tomber ainsi privés de vie, Abou-Sir se demanda : « Qui a bien pu faire sauter de la sorte la tête de ces deux-là ? » Et il regarda de tous côtés autour de lui, dans les airs et à ses pieds ; et il commençait à trembler de terreur en songeant à la puissance cachée des genn malfaisants, quand il vit revenir le capitaine marin. Et celui-ci, du plus loin qu’il le vit, aperçut en même temps les deux corps inertes sur le sol avec, à leur côté, leurs têtes respectives, et l’anneau porté par Abou-Sir, qui brillait sous le soleil. Et il comprit d’un coup d’œil ce qui venait de se passer. Aussi se hâta-t-il de lui crier, en se garant : « Ô mon frère, ne bouge pas ta main qui porte l’anneau, ou je suis tué ! Ne la bouge pas, de grâce ! »

En entendant ces paroles, qui achevèrent de le surprendre et de le rendre perplexe, Abou-Sir s’immobilisa tout à fait malgré le désir qu’il avait de courir à la rencontre du capitaine marin, lequel, arrivé près de lui, se jeta à son cou et dit : « Tout homme porte sa destinée attachée à son cou. La tienne est