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les mille nuits et une nuit

commis pour perdre ses faveurs et mériter la mort cruelle à laquelle il t’a condamné ! » Abou-Sir répondit : « Par Allah ! ô mon frère, je jure que je suis innocent de toute faute, et que je n’ai jamais rien fait qui ait mérité un pareil châtiment ! » Le capitaine dit : « Alors tu dois avoir sûrement des ennemis qui t’ont nui dans l’esprit du roi ! Car tout homme qui est en vue par un bonheur trop apparent et par les faveurs du destin, a toujours des envieux et des jaloux ! Mais ne crains rien ! Ici, dans cette île, tu es en sécurité. Sois donc le bienvenu et tranquillise-toi. Tu passeras ton temps à pêcher, jusqu’à ce que je puisse te faire partir pour ton pays. Maintenant je vais faire devant le roi le simulacre de ta mort ! » Et Abou-Sir baisa la main du capitaine marin qui le quitta pour aller aussitôt prendre un gros sac rempli de chaux vive et s’avancer vers le palais du roi jusque sous les fenêtres qui regardaient la mer.

Le roi précisément était accoudé à attendre l’exécution de son ordre ; et le capitaine, arrivé sous les fenêtres, leva ses regards pour recevoir du roi le signal de l’exécution. Et le roi étendit le bras hors de la fenêtre, et du doigt il fit signe de jeter le sac à la mer. Et cela fut immédiatement exécuté. Mais au même moment le roi, qui avait fait avec la main un geste trop brusque, laissa tomber dans l’eau un anneau d’or qui lui était aussi précieux que son âme.

En effet, cet anneau tombé dans la mer était un anneau talismanique enchanté, dont dépendaient l’autorité et la puissance du roi, et qui servait de frein pour maintenir en respect le peuple et l’ar-