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histoire d’abou-kir et d’abou-sir
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« … Essaie cette drogue sur les poils d’en bas de mon grand vizir ! » Et Abou-Sir prit le pot de terre cuite, en tira un morceau gros comme une amande de la pâte en question, et l’étendit sur le haut du bas ventre du grand-vizir, simplement comme essai. Et l’effet épilatoire de la drogue fut si prodigieux, que le roi ne douta plus que ce ne fût là un redoutable poison ; et, gonflé de fureur à ce spectacle, il se tourna vers les garçons du hammam et leur cria : « Arrêtez ce misérable ! » et il leur montra du doigt Abou-Sir que le saisissement avait rendu muet et comme hébété. Puis le roi et le vizir s’habillèrent en toute hâte, firent livrer Abou-Sir aux gardes du dehors, et rentrèrent au palais.

Là le roi fit appeler son capitaine du port et des navires, et lui dit : « Tu vas t’emparer du traître appelé Abou-Sir, et prendre un sac rempli de chaux vive dans lequel tu l’enfermeras, et tu iras jeter le tout dans la mer, sous les fenêtres de mon palais. Et, de la sorte, ce misérable mourra de deux morts à la fois, par noyade et par combustion ! » Le capitaine répondit : « J’écoute et j’obéis ! »

Or, justement, le capitaine du port et des navires était le capitaine marin qui avait été autrefois l’obligé d’Abou-Sir. Il se hâta donc d’aller trouver Abou-Sir dans le cachot, et l’en tira pour l’embarquer sur un petit vaisseau et le conduire à une petite île située non loin de la ville, et où il put enfin lui parler librement. Il lui demanda : « Ô Tel ! je n’oublie point les égards que tu as eus pour moi, et je veux te rendre le bien pour le bien. Raconte-moi donc ton affaire avec le roi, et le crime que tu as