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les mille nuits et une nuit

moi ! » Abou-Kir alors se mit à jurer mille serments qu’il ne l’avait pas reconnu, en disant : « Certes ! je t’ai confondu avec un autre, avec un voleur qui avait déjà essayé maintes fois de dérober mes étoffes ! Tu étais si maigre et si jaune qu’il m’a été impossible de te reconnaître ! » Puis il se mit à regretter son acte, à se frapper les mains l’une contre l’autre, disant : « Il n’y a de recours et de puissance qu’en Allah le Glorieux, l’Exalté ! Comment ai-je pu me tromper de la sorte ! Mais aussi la faute n’est-elle pas surtout à toi qui, m’ayant le premier reconnu, ne t’es pas nommé devant moi, en me disant : « Je suis Tel ! » d’autant plus que ce jour j’étais tout à fait distrait et hors de moi de toute la besogne dont j’étais surchargé ! Je te prie donc, par Allah sur toi, ô mon frère, de me pardonner et d’oublier cette chose-là qui était écrite dans notre destinée ! » Abou-Sir répondit : « Qu’Allah te pardonne, ô mon compagnon, c’était là, en effet, l’arrêt secret du destin ; et la réparation est sur Allah ! » Le teinturier dit : « Pardonne-moi tout à fait ! » Il répondit : « Qu’Allah libère donc ta conscience comme je te libère ! Que pouvons-nous contre les arrêts rendus du fond de l’éternité ? Entre donc au hammam, enlève tes habits et prends un bain qui te soit plein de délices et de rafraîchissement…

— À ce moment de sa narration, Schahrazade vit apparaître le matin et, discrète, se tut.