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histoire d’abou-kir et d’abou-sir
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nèrent ; et le teinturier lui-même se leva, prit un grand bâton et dit : « Étendez-le sur le ventre ! » Et il lui asséna sur le dos cent coups de bâton. Puis il dit : « Tournez-le sur le dos ! » Et il lui asséna sur le ventre cent autres coups de bâton. Après quoi il lui cria : « Ô misérable gredin, ô traître ! Si jamais je te revois encore devant ma boutique, je t’enverrai chez le roi qui t’écorchera la peau et t’empalera devant la porte du palais ! Va-t’en ! Qu’Allah te maudisse, ô visage de poix ! » Alors le pauvre barbier, bien humilié et endolori de ce traitement, et le cœur brisé et l’âme rabougrie, se traîna de là et reprit le chemin du khân, en pleurant en silence, poursuivi par les huées de la foule ameutée contre lui et par les malédictions des admirateurs d’Abou-Kir le teinturier.

Lorsqu’il fut arrivé à son logement, il s’étendit tout de son long sur la natte et se mit à réfléchir sur ce qu’il venait de subir de la part d’Abou-Kir ; et il passa toute la nuit, sans pouvoir fermer l’œil, tant il se sentait malheureux et endolori. Mais le matin, les traces des coups s’étant refroidies, il put se lever et sortir dans l’intention de prendre un bain au hammam, pour achever de se reposer, et se laver le corps, depuis le temps qu’il était resté malade sans faire ses ablutions. Il demanda donc à un passant : « Mon frère, quel est le chemin du hammam ? » L’homme répondit : « Le hammam ? Qu’est-ce que c’est que le hammam ? » Abou-Sir dit : « Mais c’est l’endroit où l’on va se laver et se faire enlever les saletés et les filaments que l’on a sur le corps ! C’est l’endroit le plus délicieux qui soit au monde ! »