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histoire d’abou-kir et d’abou-sir
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dues sur les cordes devant la boutique, et s’émerveillait et s’exclamait tumultueusement. Et il demanda à l’un des spectateurs : « À qui appartient cette teinturerie ? Et pourquoi ce grand rassemblement ? » L’homme questionné répondit : « C’est la boutique du seigneur Abou-Kir, le teinturier du sultan ! C’est lui qui teint les étoffes avec les couleurs admirables que voilà, par des procédés extraordinaires ! C’est un très grand savant dans l’art de la teinturerie ! »

En entendant ces paroles, Abou-Sir se réjouit en son âme pour son ancien compagnon, et il pensa : « Louanges à Allah qui lui a ouvert les portes des richesses ! Tu as eu bien tort, ya Abou-Sir, de mal penser de ton ancien compagnon ! S’il t’a délaissé et oublié, c’est parce qu’il a été très occupé par son travail ! Et s’il t’a pris ta bourse, c’est parce qu’il n’avait rien entre les mains pour acheter des couleurs ! Mais tu vas voir maintenant, lorsqu’il t’aura reconnu, comme il va te recevoir avec cordialité en se souvenant des services que tu lui as autrefois rendus, et du bien que tu lui as fait quand il était dans le besoin. Comme il va se réjouir de te revoir ! » Puis le barbier réussit à se faufiler à travers la foule et à arriver devant l’entrée de la teinturerie. Et il regarda à l’intérieur. Et il vit Abou-Kir nonchalamment étendu sur un haut divan, appuyé contre une pile de coussins, et le bras droit sur un coussin et le bras gauche sur un coussin, et vêtu d’une robe semblable aux robes des rois, et devant lui quatre jeunes esclaves noirs et quatre jeunes esclaves blancs somptueusement habillés ; et tel, il lui