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les mille nuits et une nuit

de prendre la bourse qui est pendue à ma ceinture et de m’acheter quelque chose pour me soutenir. » Le portier retourna la ceinture dans tous les sons ; mais, n’y trouvant point d’argent, il comprit que l’autre compagnon l’avait volé, et dit au barbier : « Ne te préoccupe de rien, ô pauvre ! Allah traitera chacun selon ses œuvres ! Moi je vais m’occuper de toi et te soigner avec mes yeux ! » Et il se hâta d’aller lui préparer une soupe dont il lui remplit une écuelle, et la lui apporta. Et il l’aida à l’avaler, et l’enveloppa d’une couverture de laine, et le fit transpirer. Et de la sorte il agit pendant deux mois, en prenant à sa charge tous les frais du barbier, si bien qu’au bout de ce temps Allah octroya la guérison par son entremise. Et Abou-Sir put alors se lever et dit au bon portier : « Si jamais le Très-Haut m’en donne le pouvoir, je saurai te dédommager de tout ce que tu as dépensé pour moi, et reconnaître tes soins et tes bontés. Mais Allah seul serait capable de te rémunérer selon tes justes mérites, ô fils choisi ! » Le vieux portier du khân lui répondit : « Louanges à Allah pour ta guérison, mon frère ! Moi je n’ai agi de la sorte à ton égard que par le seul désir du visage d’Allah le Généreux ! » Puis le barbier voulut lui baiser la main, mais il s’y refusa en protestant ; et ils se quittèrent en appelant l’un sur l’autre toutes les bénédictions d’Allah.

Le barbier sortit donc du khân, chargé de son attirail ordinaire, et se mit à parcourir les souks. Or sa destinée l’attendait ce jour-là et le conduisit justement devant la teinturerie d’Abou-Kir, où il vit une foule énorme qui regardait les étoffes colorées éten-