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les mille nuits et une nuit

d’être effrayés de ce spectacle inaccoutumé, se montrèrent sensibles aux belles couleurs et, de même qu’ils caracolent au son des fibres et des clarinettes, ils se mirent à danser de côté, ivres de toute cette gloire qui trouait l’air et claquait au vent.

Quant au roi, ne sachant comment honorer le teinturier, il fit descendre de cheval son grand-vizir et monter Abou-Kir à sa place, en le mettant à sa droite, et, ayant fait ramasser les étoffes, il reprit le chemin du palais où il combla Abou-Kir d’or, de présents et de privilèges. Il fit ensuite tailler dans les étoffes colorées des robes pour lui, pour ses femmes et pour les grands du palais, et donner mille nouvelles pièces à Abou-Kir afin qu’il les lui teignît aussi merveilleusement ; si bien, qu’au bout d’un certain temps, tous les émirs d’abord, puis tous les fonctionnaires eurent des robes colorées. Et les commandes affluèrent en quantité si considérable chez Abou-Kir, nommé teinturier en titre du roi, qu’il devint bientôt l’homme le plus riche de la ville ; et les autres teinturiers, avec le chef de la corporation en tête, vinrent lui faire des excuses pour leur conduite passée, et le prièrent de les employer chez lui comme apprentis sans salaire. Mais il refusa leurs excuses et les renvoya honteusement. Et l’on ne voyait plus, à travers les rues et les souks, que des gens habillés d’étoffes multicolores et fastueuses, teintes par Abou-Kir, le teinturier du roi. Et voilà pour lui !

Mais pour ce qui est d’Abou-Sir, le barbier, voici…