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les mille nuits et une nuit

une étoffe les couleurs et les nuances les plus charmantes : le rouge avec ses divers degrés, par exemple le rose et le jujube ; le vert avec ses divers degrés, par exemple le vert-végétal, le vert-pistache, le vert-olive et le vert-aile de perruche ; le noir avec ses divers degrés, par exemple le noir-charbon, le noir-goudron, le noir-bleu de kohl ; le jaune avec ses divers degrés, par exemple le jaune-cédrat, le jaune-orange, le jaune-limon et le jaune d’or, et bien d’autres couleurs extraordinaires ! Tout cela ! Et pourtant les teinturiers n’ont voulu de moi ni comme maître ni comme apprenti salarié ! »

En entendant ces paroles d’Abou-Kir et cette énumération prodigieuse de couleurs dont il n’avait jamais ouï parler ni soupçonné l’existence, le roi s’émerveilla et se trémoussa et s’écria : Ya Allah ! que c’est admirable ! » Puis il dit à Abou-Kir : « Si tu dis vrai, ô teinturier, et si vraiment tu peux avec ton art nous réjouir les yeux de tant de couleurs merveilleuses, tu n’as qu’à chasser tout souci et à tranquilliser ton esprit. Je vais de suite t’ouvrir moi-même une teinturerie, et te donner un gros capital en argent. Et tu n’as rien à redouter de ces gens de la corporation ; car si l’un d’eux par malheur s’avisait de te molester, je le ferais pendre à la porte de sa boutique ! » Et aussitôt il appela les architectes du palais et leur dit : « Accompagnez ce maître admirable, parcourez avec lui toute la ville, et, lorsqu’il aura trouvé un endroit à son goût, que ce soit une boutique, ou un khân, ou une maison, ou un jardin, chassez-en immédiatement le propriétaire, et bâtissez en toute hâte, sur l’emplacement, une grande