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les mille nuits et une nuit

d’une intensité extraordinaire, devint bien pâle et, dès les derniers mots du chant exhalés, il tomba évanoui ! Et tout le monde s’empressa autour de lui, lui prodiguant des soins empressés. Mais Force-des-Cœurs appela Khalife et lui dit : « Dis à tous ceux-là de se retirer un moment dans la salle voisine, et de nous laisser seuls ! » Et Khalife pria les invités de se retirer, afin que Force-des-Cœurs pût en liberté donner au khalifat les soins nécessaires. Et lorsqu’ils eurent quitté la salle, Force-des-Cœurs, d’un mouvement rapide, rejeta loin d’elle le grand izar qui l’enveloppait et la voilette qui lui cachait le visage, et apparut vêtue d’une robe en tous points semblable à celles qu’elle revêtait au palais, quand le khalifat était avec elle. Et elle s’approcha d’Al-Rachid étendu sans mouvement, et s’assit à côté de lui, et l’aspergea d’eau de roses et lui fit de l’air avec un éventail, et finit par le ranimer.

Et le khalifat ouvrit les yeux et, voyant Force-des-Cœurs à ses côtés, il faillit s’évanouir une seconde fois ; mais elle se hâta de lui baiser la main, en souriant, et les larmes aux yeux ; et le khalifat, à la limite de l’émotion, s’écria : « Sommes-nous au jour de la Résurrection, et les morts se réveillent-ils de leurs tombeaux, ou bien est-ce un rêve, que je fais ? » Et Force-des-Cœurs répondit : » Ô émir des Croyants, ce n’est point le jour de la Résurrection, et tu ne rêves point ! Car je suis Force-des-Cœurs, et je vis ! Et ma mort n’a été qu’un simulacre seulement ! » Et elle lui raconta, en quelques mots, tout ce qui lui était arrivé, depuis le commencement jusqu’à la fin. Puis elle ajouta : « Et tout ce qui nous