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histoire de khalife et du khalifat
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après l’avoir séché, le vêtirent d’une somptueuse robe de soie que les deux esclaves s’étaient hâté d’aller acheter. Et, ainsi paré, ils le conduisirent à la demeure d’Ibn Al-Kirnas, leur maître, qui y était déjà arrivé avec Force-des-Cœurs.

Et Khalife, en entrant dans la grande salle de la maison, vit la jeune femme assise sur un beau divan, et entourée par la foule des servantes et des esclaves empressées à la servir. Et déjà, d’ailleurs, à la porte même de la maison, le portier en l’apercevant s’était empressé de se lever en son honneur et de lui baiser respectueusement la main. Et tout cela jetait Khalife dans le plus grand étonnement. Mais il n’en fit rien voir, de peur de paraître mal élevé. Et même, lorsque tout le monde se fut empressé autour de lui pour lui dire : « Délicieux soit ton bain ! » il sut répondre avec urbanité et éloquence ; et ses propres paroles, frappant ses oreilles, l’émerveillaient et le flattaient agréablement.

Aussi lorsqu’il fut en présence de Force-des-Cœurs, il s’inclina devant elle et attendit qu’elle lui adressât la parole la première ! Et Force-des-Cœurs se leva en son honneur et lui prit la main, et le fit s’asseoir tout à côté d’elle sur le divan. Puis elle lui présenta une porcelaine remplie de sorbet au sucre parfumé à l’eau de roses ; et il la prit et la but doucement, sans faire de bruit avec sa bouche, et, pour bien montrer sa civilité, il ne la vida qu’à moitié seulement, au lieu de la finir et d’y plonger ensuite le doigt pour la lécher, comme il l’eût certainement fait auparavant. Et même il la déposa, sans la casser, sur le plateau, et dit avec un parler très éloquent la for-