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les mille nuits et une nuit

lettre à l’homme d’affaires du khalifat, le joaillier Ibn Al-Kirnas, celui-là même qui l’avait autrefois achetée et offerte en cadeau au khalifat. Et, dans cette lettre, elle le mettait au courant de tout ce qui lui était arrivé, et lui expliquait qu’elle se trouvait dans le logement du pêcheur Khalife dont elle était devenue la propriété par la vente et l’achat. Et elle plia la lettre et la remit à Khalife, en lui disant : « Prends ce billet et va le remettre, dans le souk des joailliers, à Ibn Al-Kirnas, l’homme d’affaires du khalifat, dont tout le monde connaît la boutique ! Et n’oublie pas mes recommandations au sujet des bonnes manières et du langage ! » Et Khalife répondit par l’ouïe et l’obéissance, prit le billet, qu’il porta à ses lèvres puis à son front, et se hâta de courir au souk des joailliers où il s’informa de la boutique d’Ibn Al-Kirnas, qu’on lui indiqua. Et il s’approcha de la boutique et, avec des manières très choisies, s’inclina devant le joaillier et lui souhaita la paix. Et le joaillier lui rendit son souhait, mais du bout des lèvres, en le regardant à peine, et lui demanda : « Que veux-tu ? » Et Khalife, pour toute réponse, lui tendit le billet. Et le joaillier prit le billet du bout des doigts et le déposa sur le tapis à côté de lui, sans le lire ni même l’ouvrir, car il croyait que c’était une requête pour demander l’aumône, et que Khalife était un mendiant. Et il dit à un de ses serviteurs : « Donne-lui un demi-drachme ! » Mais Khalife repoussa cette aumône avec dignité, et dit au joaillier : « Je n’ai que faire de l’aumône ! Je te prie seulement de lire le billet ! » Et le joaillier ramassa le billet, le déplia et le lut ; et soudain il le baisa et le porta res-