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les mille nuits et une nuit

souk, ô Khalife, sans me voir ? » Il répondit : « Oui, par Allah ! sans même soupçonner ta présence ! » Et Force-des-Cœurs comprit alors que ce qui lui était arrivé avait été comploté contre elle par Sett Zobéida, et se fit raconter par le pêcheur tout ce qui lui était arrivé, depuis le commencement jusqu’à la fin. Et elle causa ainsi avec lui jusqu’au matin. Et alors elle lui dit : « Ô Khalife, n’as-tu donc rien à manger ? Car j’ai bien faim ! » Il répondit : « Ni à manger, ni à boire, rien, rien du tout ! Et, moi, par Allah ! voilà déjà deux jours que je n’ai mis un morceau dans ma bouche ! » Elle demanda : « As-tu au moins quelque argent sur toi ? » Il dit : « De l’argent, ô ma maîtresse ? Qu’Allah me conserve ce coffre pour l’achat duquel, grâce à mon destin et à ma curiosité, j’ai mis ma dernière pièce de monnaie ! Et me voici en faillite sèche ! » Et l’adolescente, à ces paroles, se mit à rire, et lui dit : « Sors tout de même et me rapporte quelque chose à manger, en le demandant aux voisins qui ne te le refuseront pas ! Car les voisins se doivent à leurs voisins ! »

Alors Khalife se leva et sortit dans la cour du khân et, dans le silence du premier matin, se mit à crier : « Ô habitants du khân, ô voisins ! voici que le genni du coffre me réclame maintenant de quoi manger ! Et moi je n’ai rien sous la main à lui donner ! » Et les voisins, qui redoutaient sa voix, et qui aussi s’apitoyaient sur lui à cause de sa pauvreté, descendirent vers lui en lui apportant qui un demi-pain restant du repas de la veille, qui un morceau de fromage, qui un concombre, qui un radis. Et ils lui mirent tout cela dans le creux de sa robe relevée, et