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les mille nuits et une nuit

tenant à descendre de mon dos ton coffre ! Et puisses-tu y être bientôt enfermé pour toujours ! » Et Khalife, sans dire un mot, l’aida à décharger le coffre, et Zoraïk, essuyant du revers de sa main, les grosses gouttes de sueur de son front, dit : « Nous allons voir maintenant la capacité de ton âme et la générosité de ta main dans le salaire qui m’est dû après toutes ces fatigues que tu m’as fait endurer sans nécessité ! Et hâte-toi, pour me laisser aller en ma voie ! » Et Khalife lui dit : « Certes ! mon compagnon, tu seras rétribué largement ! Veux-tu donc que je t’apporte de l’or ou de l’argent ? C’est à ton choix ! » Et le portefaix répondit : « Tu sais mieux que moi ce qui est convenable ! »

Alors Khalife, laissant le portefaix à la porte avec le coffre, entra dans son logement, et en ressortit bientôt tenant à la main un redoutable fouet aux lanières cloutées chacune de quarante clous aigus, capables d’assommer un chameau d’un seul coup ! Et il se précipita sur le portefaix, le bras levé et le fouet tournoyant, et l’abattit sur son dos, et recommença et récapitula, si bien que le portefaix se mit à hurler de travers et, tournant le dos, fila droit devant lui, les mains en avant, et disparut à un tournant de rue.

Débarrassé de la sorte du portefaix, qui, en somme, s’était chargé du coffre de sa propre initiative, Khalife se mit en devoir de traîner ce coffre jusqu’à son logement. Mais, à tout ce bruit, les voisins se rassemblèrent et, voyant l’accoutrement étrange de Khalife avec la robe en satin coupée aux genoux et le turban de même qualité, et apercevant aussi le