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histoire de khalife et du khalifat
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mes souvenirs et de réfléchir sur la place où se trouve ma maison ! » Puis, au bout d’un certain temps, comme le portefaix se remettait à geindre et à grommeler entre ses dents, il lui dit : « Ô Zoraïk, je n’ai point d’argent sur moi pour te donner ici-même ton salaire ! J’ai, en effet, laissé mon argent à la maison, et la maison je l’ai oubliée ! »

Et, comme le portefaix s’arrêtait, n’en pouvant plus de marcher, et allait déposer sa charge, vint à passer une connaissance à Khalife qui lui tapa sur l’épaule et lui dit : « Tiens ! c’est toi, Khalife ? Que viens-tu faire dans ce quartier si éloigné de ton quartier ? Et que fais-tu ainsi porter à cet homme ? » Mais avant que Khalife, décontenancé, eût eu le temps de répondre, le portefaix Zoraïk se tourna Vers le passant en question et lui demanda : « Ô oncle, où se trouve-t-elle donc la maison de Khalife ? » L’homme répondit : « Par Allah ! en voilà une question ! La maison de Khalife se trouve juste à l’autre bout de Baghdad, dans le khân en ruines situé près du marché aux poissons, dans le quartier des Rawassîn ! » Et il s’en alla en riant. Alors Zoraïk le portefaix dit à Khalife le pêcheur : « Allons ! marche, ô vilain ! Puisses-tu ne plus vivre ni marcher ! » Et il l’obligea à aller devant lui et à le conduire à son logis, dans le khân en ruines, près du marché aux poissons ! Et il ne cessa, jusqu’à l’arrivée, de l’invectiver et de lui reprocher sa conduite, en lui disant : « Ô toi, visage néfaste, puisse Allah te couper en ce monde le pain quotidien ! Que de fois n’avons-nous pas passé devant ton logis de désastre, sans que tu aies fait mine de m’arrêter ? Allons ! Aide-moi main-