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les mille nuits et une nuit

… Et le portefaix, avec le coffre sur le dos, se mit à marcher derrière Khalife. Et Khalife se disait en son âme, tout en marchant : « Je n’ai plus sur moi ni or, ni argent, ni cuivre, pas même l’odeur de tout cela ! Et comment vais-je faire, en arrivant chez moi, pour payer ce maudit portefaix ? Et qu’avais-je besoin de portefaix ? Et qu’avais-je d’ailleurs besoin de ce coffre de malheur ? Et qui a bien pu me mettre en tête cette idée de l’acheter ! Mais ce qui est écrit doit courir ! Moi, en attendant, pour me tirer d’affaire avec ce portefaix, je vais le faire courir et marcher et perdre sa route à travers les rues, jusqu’à ce qu’il soit exténué de fatigue. Alors, de son plein gré, il s’arrêtera et refusera d’avancer davantage. Et moi je profiterai de son refus pour lui refuser à mon tour de le payer, et je prendrai moi-même le coffre sur mon dos ! »

Et, ayant ainsi formé ce projet, il le mit immédiatement à exécution. Il commença donc à aller d’une rue à une autre rue et d’une place à une autre place, et à faire tourner avec lui le portefaix par toute la ville, et cela depuis midi jusqu’au coucher du soleil, si bien que le portefaix fut tout à fait exténué et finit par grogner et murmurer, et se décida à dire à Khalife : « Ô mon maître, où se trouve donc ta maison ? » Et Khalife répondit : « Par Allah ! hier encore je savais où elle se trouvait, mais aujourd’hui je l’ai tout à fait oublié ! Et me voici en train de chercher avec toi son emplacement ! » Et le portefaix dit : « Donne-moi mon salaire, et prends ton coffre ! » Et Khalife dit : « Attends encore un peu, en allant doucement, pour me donner le temps de rassembler