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les mille nuits et une nuit

de vous veut placer son argent dans une affaire du cent pour cent, en achetant, avec son contenu de nous inconnu, ce coffre bien venu, venu du palais de Sett Zobéida fille de Kassem, épouse de l’émir des Croyants ? À vous d’offrir ! Et qu’Allah bénisse le plus offrant ! » Mais un silence général répondait à son appel, car les marchands n’osaient hasarder une somme d’argent sur ce coffre dont ils ignoraient le contenu, et ils craignaient beaucoup qu’il n’y eût là-dedans quelque supercherie ! Mais enfin, l’un d’eux éleva la voix et dit : « Par Allah ! ce marché est bien hasardeux ! Et le risque est bien grand ! Pourtant je vais faire une offre, mais qu’on ne me la reproche pas ! Donc je vais dire un mot, et pas de blâme à mon adresse ! Voici ! vingt dinars, pas un de plus ! » Mais un autre marchand renchérit immédiatement et dit : « À moi pour cinquante ! » Et d’autres marchands renchérirent ; et les offres arrivèrent à cent dinars. Alors le crieur cria : « Y a-t-il parmi vous renchérisseur, ô marchands ? Le dernier offrant ! Cent dinars ! Le dernier offrant ? » Alors Khalife éleva la voix et dit : « À moi ! Pour cent dinars et un dinar ! »

À ces paroles de Khalife, les marchands, qui le savaient aussi net d’argent qu’un tapis secoué et battu, crurent qu’il plaisantait, et se mirent à rire. Mais Khalife défit sa ceinture et répéta d’une voix haute et furieuse : « Cent dinars et un dinar ! » Alors le crieur, malgré les rires des marchands, dit : « Par Allah ! le coffre lui appartient ! Et moi je ne le vends qu’à lui ! » Puis il ajouta : « Tiens ! ô pêcheur, paie les cent et un, et prends le coffre avec son contenu ! Qu’Allah bénisse la vente ! Et que la prospérité soit