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histoire de khalife et du khalifat
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l’eunuque courut derrière lui, et, tirant de sa poche une bourse de cent dinars, la tendit à Khalife en lui disant : « Ô pêcheur, prends ces dinars comme prix du poisson que je t’ai acheté hier ! Et va en paix ! » Et Khalife, à cette vue, se réjouit beaucoup et prit la bourse de cent dinars et aussi le dinar donné par Giafar, et, oubliant sa malechance et le traitement qu’il venait de subir, il prit congé de l’eunuque et s’en retourna chez lui, plein de gloire, et à la limite du ravissement.

Maintenant ! Comme Allah, quand Il a une fois décrété une chose, l’exécute toujours, et que cette fois son décret concernait précisément Khalife le pêcheur, sa volonté dut s’accomplir. En effet, en traversant les souks pour rentrer chez lui, Khalife fut arrêté, devant le marché des esclaves, par un cercle considérable de gens qui regardaient tous vers le même point. Et Khalife se demanda : « Que peut-elle bien regarder comme ça, cette foule attroupée ? » Et, poussé par la curiosité, il fendit la foule en bousculant marchands et courtiers, riches et pauvres, qui, le reconnaissant, se mirent à rire en se disant les uns aux autres : « Place ! faites place à l’opulent gaillard qui va acheter tout le marché ! Place au sublime Khalife, maître des enculeurs ! » Et Khalife, sans se déconcerter, et fort de se sentir lesté des dinars d’or serrés dans sa ceinture, arriva jusqu’au milieu du premier rang et regarda pour voir l’affaire. Et il vit un vieillard qui avait devant lui un coffre sur lequel était assis un esclave. Et ce vieillard faisait une criée à haute voix, disant : « Ô marchands ! ô gens riches ! ô nobles habitants de notre ville, qui