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histoire de khalife et du khalifat
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le prenant par la main, il voulut l’entraîner à l’intérieur du palais. Mais celui-ci, qui n’avait cessé jusque-là de s’agiter, de se plaindre de son arrestation, et de se repentir d’être venu à la cour, faillit en voir sa raison s’envoler tout à fait, et s’écria : « Que j’ai été stupide de m’écouter et de venir trouver ici cet eunuque noir, Tulipe de malheur, ce fils lippu de la maudite aux larges narines, ce Ventre-creux ! » Mais Giafar lui dit : « Allons ! suis-moi ! » Et il l’entraîna, précédé et suivi par la foule des esclaves et des jeunes garçons que Khalife ne cessait d’invectiver. Et on le fit pénétrer à travers sept immenses vestibules, et Giafar lui dit : « Attention ! ô Khalife, tu vas être en présence de l’émir des Croyants, le défenseur de la Foi ! » Et, soulevant une grande portière, il le poussa dans la salle de réception, où sur son trône était assis Haroun Al-Rachid, environné de ses émirs et des grands de sa cour. Et Khalife, qui n’avait pas la moindre idée de ce qu’il voyait, n’en fut nullement déconcerté ; mais, regardant avec la plus grande attention Haroun Al-Rachid au milieu de sa gloire, il s’avança vers lui en éclatant de rire et lui dit : « Ah ! te voilà donc, ô clarinette ! Crois-tu donc avoir agi honnêtement en me laissant hier garder seul le poisson, moi qui t’ai appris le métier et t’ai chargé d’aller m’acheter deux paniers ? Tu m’as ainsi laissé sans défense et à la merci d’un tas d’eunuques qui sont venus, comme une nuée de vautours, me voler et m’enlever mon poisson, qui aurait pu me rapporter au moins cent dinars ! Et c’est toi aussi qui es la cause de ce qui m’arrive maintenant au milieu de tous ces gens qui me retiennent ici ! Mais toi, ô cla-