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les mille nuits et une nuit

À ces paroles, le khalifat se mit à courir dans le palais, comme un insensé, en se bouchant les oreilles et en demandant à grands cris sa bien-aimée à tous ceux qu’il rencontrait. Et tout le monde, sur son passage, se jetait à plat ventre, ou se cachait derrière les colonnades. Et il arriva de la sorte dans le jardin où s’élevait le faux tombeau de la favorite, et il se jeta le front contre le marbre, et, étendant les bras et pleurant toutes ses larmes, il s’écria :

« Ô tombeau, comment tes ombres froides et les ténèbres de ta nuit peuvent-elles enfermer la bien-aimée ?

Ô tombeau, par Allah, dis-moi ! la beauté, les charmes de mon amie sont-ils à jamais effacés ? S’est-il pour toujours évanoui, ce spectacle réjouissant de sa beauté ?

Ô tombeau ! certes tu n’es ni le Jardin des Délices ni le ciel élevé ; mais, dis-moi, comment alors se fait-il que je vois dans ton intérieur briller la lune et fleurir le rameau ? »

Et le khalifat continua de la sorte à sangloter et à exhaler sa douleur pendant une heure de temps. Après quoi il se leva et courut s’enfermer dans ses appartements, sans vouloir entendre les consolations ni recevoir son épouse et ses intimes !

Quant à Sett Zobéida, lorsqu’elle eut vu le succès de sa ruse, elle fit en secret enfermer Force-des-Cœurs dans un coffre à habits (car elle continuait à éprouver les effets soporifiques du bang) et ordonna à deux esclaves de confiance de porter ce coffre hors du pa-