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histoire de khalife et du khalifat
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merveilleuse que les oiseaux du ciel s’arrêtèrent dans leur vol, et que le palais se mit à danser de tous ses murs, de ravissement. Alors Force-des-Cœurs laissa le tambourin et prit la flûte de roseau, sur laquelle elle appuya ses lèvres et ses doigts. Et on put de la sorte lui appliquer ces vers du poète :

Ô joueuse de flûte, l’instrument d’insensible roseau, que tiennent sous tes lèvres tes doigts de souplesse, acquiert une âme nouvelle au passage de ton haleine !

Souffle dans mon cœur ! Il résonnera mieux que l’insensible roseau de la flûte aux trous sonores, car tu y trouveras plus que sept blessures qui s’aviveront au toucher de tes doigts !

Lorsqu’elle eut enchanté les assistants d’un air de flûte, elle déposa la flûte et prit le luth, instrument admirable, dont elle régla les cordes, et l’appuya contre son sein en s’inclinant sur sa rotondité, avec la tendresse d’une mère qui s’incline sur son enfant, si bien que c’est certainement d’elle et de son luth que le poète a dit :

Ô joueuse de luth, tes doigts sur les cordes persanes excitent ou calment la violence, au gré de ton désir, comme un médecin habile qui, selon qu’il en est besoin, fait à son gré jaillir le sang des veines ou l’y laisse circuler tranquillement !

Qu’il est beau d’entendre parler, sous les doigts délicats, un luth aux cordes persanes, parler à ceux dont il ne possède pas le langage, et de voir tous les ignorants comprendre son langage sans paroles !