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les mille nuits et une nuit

gardes et gens de l’escorte, courez au rivage et tâchez de rapporter du poisson à l’émir des Croyants ! » Et aussitôt tous ceux de l’escorte se mirent à courir vers l’endroit indiqué, et trouvèrent Khalife qui gardait la pêche ; et ils l’entourèrent comme les éperviers entourent une proie, et s’arrachèrent les poissons amoncelés devant lui, en se les disputant, malgré le bâton dont Khalife les menaçait en s’agitant. Et Khalife finit tout de même par être vaincu par le nombre, et s’écria : « Nul doute que ce poisson ne soit du poisson du paradis ! » Et il put, en distribuant force coups, réussir à sauver du pillage les deux plus beaux poissons de la pêche ; et il les prit, chacun dans une main, et se sauva dans l’eau pour échapper à ceux qu’il croyait être des brigands, coupeurs de routes. Et, enfoncé de la sorte au loin dans l’eau, il leva ses mains qui tenaient chacune un poisson et s’écria : « Ô Allah ! par les mérites de ces poissons de ton Paradis, fais que mon associé, le joueur de clarinette, ne tarde pas à revenir ! »

Or, comme il achevait cette invocation, un nègre de l’escorte, qui avait été en retard sur les autres, son cheval s’étant arrêté en chemin pour pisser, arriva le dernier sur le rivage et, ne voyant plus trace de poisson, regarda à droite et à gauche et aperçut Khalife dans l’eau, qui tenait un poisson dans chaque main. Et il lui cria : « Ô pêcheur, viens t’en par ici ! » Mais Khalife répondit : « Tourne le dos, ô avaleur de zebb ! » À ces paroles, le nègre, à la limite de la fureur, leva sa lance et, la pointant dans la direction de Khalife, lui cria : « Veux-tu venir ici et me vendre ces deux poissons au prix que tu fixeras, ou