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les mille nuits et une nuit

« … Ô clarinette, tu es bien laid, et ta figure ressemble à mon derrière, exactement ; mais, par Allah ! si tu fais bien attention à ton nouveau métier, tu seras un jour un pêcheur extraordinaire ! En attendant, ce que tu as de mieux à faire, c’est de remonter sur ta mule et d’aller au souk m’acheter deux grands paniers pour que j’y mette le surplus de cette pêche prodigieuse, pendant que je vais rester ici pour garder le poisson jusqu’à ton arrivée. Et ne te préoccupe pas d’autre chose, car j’ai ici la balance à poisson, les poids et tout ce qui est nécessaire pour la vente au détail. Et toi tu n’auras pour toute charge, quand nous serons arrivés au souk du poisson, que de me tenir la balance et de toucher l’argent des clients ! Mais hâte-toi de courir m’acheter les deux paniers. Et surtout prends bien garde de flâner, ou le bâton jouera sur ton dos ! » Et le khalifat répondit : « J’écoute et j’obéis ! » Puis il se hâta de détacher sa mule et de l’enfourcher pour la mettre au grand galop ; et, riant à rendre l’âme, il alla rejoindre Giafar, qui, le voyant accoutré de si bizarre façon, leva les bras au ciel et s’écria : « Ô commandeur des Croyants, sans doute tu as dû trouver sur ta route quelque beau jardin où tu t’es couché et roulé sur l’herbe ! » Et le khalifat se mit à rire, en entendant ces paroles de Giafar. Puis les autres Barmécides de l’escorte, parents de Giafar, embrassèrent la terre entre ses mains et dirent : « Ô émir des Croyants, puisse Allah faire durer sur toi les joies et éloigner de toi les soucis ! Mais quelle est la cause qui t’a retenu si longtemps loin de nous, alors que tu ne nous avais quittés que pour boire une gorgée d’eau ? »